Tebboune et la France : Mémoire sélective et opportunisme politique

Tebboune fustige le colonialisme français, mais ses relations avec Paris oscillent entre rapprochement et rupture. Un discours de circonstance ou une véritable politique mémorielle?

Tebboune et la France : Mémoire sélective et opportunisme politique
Entre dénonciation du colonialisme et coopération avec Paris, Abdelmadjid Tebboune joue sur plusieurs fronts.

📍 LeDecode.com – Une fois de plus, Abdelmadjid Tebboune remet sur la table la question du colonialisme français. Dans un discours empreint de ferveur nationaliste à l’occasion de la Journée du Chahid, le président algérien a dénoncé les crimes du « colonialisme de peuplement destructeur » et les souffrances endurées par son peuple pendant 132 ans d’occupation. Un rappel légitime des horreurs du passé, mais qui pose une question essentielle : pourquoi cette insistance soudaine alors que, quelques années plus tôt, ce même Tebboune affichait une volonté d’apaisement et entretenait des relations courtoises avec les dirigeants français ?

Depuis son arrivée au pouvoir, Abdelmadjid Tebboune oscille entre ouverture diplomatique et nationalisme exacerbé, ajustant son discours en fonction des tensions internes et des rapports de force régionaux. Cette stratégie, qui n’est pas propre à lui mais à l’ensemble des élites dirigeantes algériennes, s’inscrit dans une vieille tradition politique où la question coloniale est instrumentalisée selon les besoins du moment.

L’histoire récente est riche en exemples où les dirigeants algériens se rapprochent de la France lorsqu’il s’agit de renforcer des coopérations économiques ou politiques, avant de raviver la mémoire des crimes coloniaux dès que l’opinion publique devient plus difficile à gérer. Tebboune lui-même a multiplié les gestes en direction de l’Élysée après son élection, cherchant à stabiliser les relations bilatérales et obtenant même des déclarations favorables d’Emmanuel Macron. Pourtant, dès que les tensions internes montent, le discours change du tout au tout.

L’un des paradoxes les plus frappants de cette posture est le contraste entre les déclarations officielles du pouvoir et les réalités économiques et stratégiques de l’Algérie. Alors que Tebboune fustige la France et son passé colonial, les liens économiques entre les deux pays restent solides. De nombreux contrats sont signés avec des entreprises françaises, notamment dans le secteur énergétique. La diaspora algérienne en France demeure un pilier essentiel de l’économie algérienne, envoyant des milliards d’euros de transferts chaque année.

Ce double jeu, bien connu des observateurs, répond à une logique politique interne. À chaque période de crise sociale ou politique, la rhétorique anti-française resurgit pour détourner l’attention de l’opinion publique. La dénonciation du passé colonial devient alors un instrument pour masquer l’échec du régime à offrir un avenir prospère aux Algériens.

Dans un contexte où la situation économique de l’Algérie demeure fragile, où le chômage des jeunes explose, et où le pouvoir peine à proposer une alternative crédible au modèle rentier basé sur les hydrocarbures, il est plus simple de pointer du doigt un ennemi extérieur que d’assumer les responsabilités de la gouvernance. La répression des voix dissidentes, les procès politiques et la censure médiatique ne font que renforcer l’idée que le pouvoir algérien utilise la question coloniale comme une diversion plutôt qu’un véritable projet de mémoire et de justice historique.

Si la reconnaissance des crimes coloniaux est un sujet légitime et fondamental, encore faut-il qu’elle s’accompagne d’une véritable cohérence politique. Dans le cas de l’Algérie, elle semble surtout être un levier commode utilisé à des fins politiciennes, oscillant entre réconciliation pragmatique et surenchère nationaliste au gré des circonstances.

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